Ma toute première pièce
Voici "Constance des métamorphoses". Ma toute première pièce.
Et voici le morceau de bois dont elle est issue.
Il traînait depuis deux ans chez mon voisin et mes yeux chaque jour tombaient dessus. Il avait coupé un cerisier qui prenait beaucoup de place dans son jardin et ne savait pas quoi faire de ce bien gros morceau. Moi, je le couvais des yeux mais n'osais pas encore me lancer. Puis, j'ai fini par craquer et me le suis approprié sans lui demander l'autorisation.
C'était ma première pièce et j'étais bien mal équipée. Deux ou trois ciseaux à bois, une ou deux gouges, un maillet en caoutchouc.
J'étais tombée amoureuse de la statuaire des Cyclades. Primitivisme qui rejoignait pour moi un Brancusi. L'épure et l'expressivité réunies. Je me suis donc inspiré de cet art pour travailler les multiples départs de branche.
J'aimais cette idée de faire jaillir de la matière organique ces formes humaines. Déjà, avant même de l'avoir réfléchit, j'associais nature et culture à plusieurs niveaux.
Je me suis battue contre la dureté de ce bois. J'ai beaucoup appris.
Et doucement l'oeuvre prenait forme.
Tout un monde prenait possession du morceau de bois.
J'ai travaillé d'arrache pied pendant plus d'un mois, c'était les vacances d'été heureusement. J'avoue avoir été un peu moins disponible pour mes filles pendant cette période, je devais me faire violence pour abandonner le travail et aller préparer le repas
Puis il m'a fallu lui trouver un nom. Exercice qui me déplait toujours autant. Je n'ai pas envie de me contenter du sempiternel "sans titre" qui truffe l'art contemporain. Mais comment faire pour ne pas l'enfermer dans ma vision et ainsi empêcher le regardeur de puiser dans son imagination? Je suis toujours confronté au même problème. Alors, je me suis perdue dans de multiples ouvrages, tentant de trouver l'inspiration. C'est dans un recueil de Rilke que j'ai trouvé mon bonheur. J'avoue, je ne suis pas férue de poésie à mon grand désarroi, mais en feuilletant, page après pages je suis tombée sur la fin de ce vers. Et ça a fait tilt! Tout y était! La constance de la forme humaine qui revient sans cesse et la multiplicité de la métamorphose.
Quand mon voisin a vu ce que j'avais fait de son morceau de bois, il ne m'en a jamais voulu de le lui avoir dérobé...